top of page

Un bel extrait de... Rhinocéros

  • Violette Perrin
  • 12 avr. 2017
  • 3 min de lecture

L'été dernier, en partance pour le Bénin, dans l'avion, j'ai eu une conversation pour le moins déroutante avec mon voisin*. Celui-ci dissertait sur les méfaits de la mondialisation et de l'uniformisation : désormais, tous les pays et tous les gens se ressemblaient.

— D'ailleurs c'est le sujet du livre Rhinocéros, tu connais ? J'ai eu un instant de flottement.

— De Ionesco ? Je ne l'ai pas lu. Ce n'est pas plutôt un livre sur la montée des totalitarismes ?​

— Pas du tout ! Les gens deviennent tous des rhinocéros parce qu'ils trouvent cela beau. Ils suivent la mode.


Je n'ai pas insisté. Cependant, plus tard, dans l'aéroport vide et inacceuillant de Cotonou, à quatre heures du matin, j'ai réfléchi à ses paroles. Cela n'avait pas de sens. J'étais persuadée que Rhinocéros était une critique féroce du totalitarisme : c'était ce que m'avaient enseigné mes cours de français du lycée, et il me semblait même que j'avais cité cette œuvre au bac pour parler des auteurs engagés. Mon voisin avait dû mal comprendre. Si ça se trouve, il n'avait même pas lu le livre.


Une fois rentrée en France, j'avais complètement oublié cette conversation jusqu'à ce que je tombe sur un exemplaire dudit livre de Ionesco. Curieuse de savoir si mes souvenirs de cours de français du lycée m'avaient trompés, je me suis plongée dans ce classique du théâtre (et pourtant, je n'aime pas lire de théâtre !) J'y ai alors découvert une mise en scène des plus complexes, des longs dialogues tortueux et une transformation qui semble toucher tout le monde, même le plus récalcitrant : la « rhinocérite ». Une ode à l'absurde :


LE LOGICIEN Voyez : vous pouvez avoir vu deux fois un même rhinocéros portant une seule corne... L'EPICIER, répétant, comme pour mieux comprendre. Deux fois le même rhinocéros LE PATRON, même jeu. Portant une seule corne... LE LOGICIEN, continuant. ...Comme vous pouvez avoir vu deux fois un même rhinocéros à deux cornes LE VIEUX MONSIEUR, répétant. Un seul rhinocéros à deux cornes, deux fois... LE LOGICIEN C'est cela. Vous pouvez encore avoir vu un premier rhinocéros à une corne, puis un autre, ayant également une corne L'EPICIERE, de la fenêtre. Ha, ha... LE LOGICIEN Et aussi un premier rhinocéros à deux cornes, puis un second rhinocéros à deux cornes.

LE PATRON C'est exact.

LE LOGICIEN Maintenant : si vous avez vu... L'EPICIER Si nous avions vu... LE VIEUX MONSIEUR Oui, si nous avions vu...

[...]


Alors s'agirait-il d'une critique de la mondialisation et de l'uniformisation ou de la montée des totalitarismes ? Bérenger, le personnage principal, était-il un simple alcoolique amoureux de sa collègue de bureau qui suivait la mode ou un résistant ? Un peu des deux.


Finalement, en lisant ce livre, je me suis dit que moi aussi, j'aurais pu faire comme Bérenger, et céder à l'appel général de la « rhinocérite ». Plus qu'une critique franche, il me semble donc que Rhinocéros est simplement un portrait d'hommes et de femmes comme vous et moi. Des hommes et des femmes qui ont en effet créé le totalitarisme et la mondialisation. D'autres choses également. Mon voisin d'avion n'avait donc pas tort, et mes professeurs de français non plus, mais peut-être ne faut-il pas fermer un livre à une seule signification, surtout pour celui-ci.


* : si celui-ci se reconnaît, qu'il se dénonce !


Rhinocéros, Ionesco (Folio)

 
 
 

댓글


ou cliquer sur un livre pour accéder à l'article

L'Étranger
Pourquoi faut-il lire...
Explorons en profondeur...
Explorons en profondeur...
Un bel extrait de...
Pourquoi faut-il lire...
Un bel extrait de...
Un bel extrait de...
Cinq questions à...
Pourquoi faut-il lire...
Explorons en profondeur...
Cinq questions à...
Pourquoi faut-il lire...
Projecteur sur...
Quinze secondes sur...
Pourquoi faut-il lire...
Un bel extrait de...
Pourquoi faut-il lire...
Quinze secondes sur...
  • Grey Instagram Icon
  • Grey Facebook Icon
  • Grey Twitter Icon
  • Grey YouTube Icon
  • Grey Google+ Icon

Tous droits réservés © 2015-2016 lamaisondubourg.net

bottom of page