Projecteur sur... Hergé au grand palais
- Chloé d'Arcy
- 14 déc. 2016
- 3 min de lecture

« Hergé »… « Tintin »… assez vite la musique du générique de l’adaptation en dessin animé des aventures du jeune reporter nous revient aux oreilles. Sans être un grand amateur de bandes-dessinées ni un fan acharné de Tintin, ce héros mythique dans l’histoire du 9ème art peuple notre imaginaire d’enfant. C’est dans cet état d’esprit que je me suis rendue au Grand Palais, curieuse de découvrir les coulisses de cette célèbre série.
Toutefois, notons bien qu’il s’agit d’une exposition consacrée à Hergé et que, si Tintin y occupe tout naturellement une place prépondérante, c’est une rétrospective de l’artiste, entre autres formé par la réalisation d’affiches publicitaires, qui est proposée. De façon originale, les concepteurs de l’exposition nous proposent de remonter le temps dans la vie du père de Tintin, et de lire ses premiers croquis de jeune scout sur les histoires de Totor à l’aune de ce qu’a été la grande œuvre de sa vie : Les aventures de Tintin.
Le visiteur est d’abord plongé dans des œuvres d’art abstrait, figurant dans la collection privée d’Hergé, certaines ayant même été peintes par celui-ci. Cet attrait pour l’art abstrait contraste avec l’œuvre beaucoup plus figurative et narrative de l’auteur / dessinateur, et il le justifiait d’ailleurs comme moyen d’en faire le contre-point.

Ensuite, on entre au cœur du travail de l’artiste qui permet en même temps de mieux comprendre les processus de la fabrication d’une bande-dessinée. On trouve de nombreuses planches, des premières esquisses aux pages d’albums édités en passant par la précision des traits et les bleus de couleurs. En parallèle de la présentation de ce travail technique, le visiteur est amené à envisager le travail fouillé de documentation que les studios Hergé, créés en 1950, effectuent pour chaque album en vue de lui donner un caractère réaliste. Car, si l’on pense aux premières œuvres du jeune Hergé comme Tintin au Congo (1930) ou Tintin au pays des Soviets (1929), successions de gags mêlés de clichés assez controversés, l’artiste a évolué grâce à sa rencontre avec Tchang, étudiant chinois installé en Belgique. Celui-ci l’a conseillé dans la réalisation du Lotus bleu qui a commencé à paraître en 1933. Dès lors, la recherche d’informations scientifiques, géographiques ou artistiques occupera une place importante dans l’œuvre de Hergé, qui s’appliquera également à davantage construire la narration de ses feuilletons avec des réelles intrigues policières.
Enfin, cette exposition comporte une dimension d’histoire de l’art particulièrement appréciable. Elle présente les caractéristiques du trait de Hergé, sa mise en mouvement de l’image qui semble aujourd’hui banale en BD mais qu’il a pourtant inventée, ainsi que la symbolique et la puissance de ses blancs, à travers l’exemple notamment de Tintin au Tibet, œuvre décalée de la série, intervenant dans une période affectivement difficile pour l’artiste qui propose simplement une aventure axée sur la fidélité en amitié. Les interactions entre le cinéma et la bande-dessinée sont également envisagées, Hergé ayant été d’une part un grand cinéphile et les deux arts se rapprochant d’autre part par la séquentialisation des images et de la narration qu’ils proposent ; une planche de BD pouvant d’ailleurs se lire avec des termes cinématographiques.
Les salles s’enchaînent avec des citations de l’auteur / dessinateur, traduisant le caractère méticuleux de son travail, son plaisir à créer les aventures du jeune héros et surtout son amour pour ses personnages.

« Tintin m’a rendu heureux. J’ai fait de mon mieux ce que j’ai fait et ça n’a pas toujours été facile. Mais je me suis beaucoup amusé. Et en plus, comme le disait Sacha Guitry, on m’a payé pour le faire. C’est un comble non ? »
Sans être comme je l’ai dit ni particulièrement attirée par Tintin ni accro de bande-dessinée, cette exposition m’a séduite. La scénographie est belle, mettant aussi bien en avant la richesse du travail minutieux d’Hergé que la beauté de l’objet livre, les couleurs et l’atmosphère qui en ressortent. Ses réalisateurs ont su créer l’envie de se replonger dans les albums plus ou moins oubliés de notre enfance et d’y porter un regard neuf, éduqué par les différents croquis présentés et à l’affût des moindres petits détails.
En complément de cette exposition, on peut écouter la mise en récit radiophonique de Tintin et le Lotus bleu par Katell Guillou et interprété par la troupe de la Comédie Française et l’Orchestre National de France en octobre dernier sur France Culture. Alors que pour Hergé raconter une histoire nécessitait de passer par l’image, l’équipe de l’émission a réussi à traduire dans un univers uniquement sonore cette aventure créée en 1934. Un bel exploit !
Information et réservation ici.
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