Pourquoi faut-il lire... La gouvernante suédoise
- Antoine Stéphany
- 7 déc. 2016
- 2 min de lecture

Si j’ai eu envie de lire La gouvernante suédoise, c’était pour retrouver les paysages de la Scandinavie. Vous savez, ces lacs et ces bois à perte de vue, éclairés par la lumière rasante du soleil hivernal, ces tons pastel que les peintres suédois ont si bien reproduits. Cette nature chaque jour différente qui se teinte de mille nuances de blanc lorsque les premières neiges arrivent. En lisant ce livre, je voulais retrouver des tons et des lumières, et Marie Sizun les décrit parfaitement. Elle y déploie son talent pour retranscrire des atmosphères si singulières, et si nécessaires à la construction de son récit.
Tout au long de cette histoire d’amour interdite qui unit Léonard Sézeneau, sa femme Hulda et leur gouvernante Livia, le lecteur est plongé dans des ambiances à la fois riches et envoutantes. À Göteborg, la ville d’enfance d’Hulda où elle a rencontré Léonard alors que celui-ci lui enseignait le français, la brume de ce port de la côte Ouest de la Suède entoure les deux amants, à l’heure d’un amour interdit. A Stockholm, c’est l’apogée de leur mariage : leur quartier, leur appartement, leur vie, tout semble rayonner lors de « la période la plus heureuse de la vie d’Hulda ». Les préparations de Noël et de la Sainte Lucie, avec les traditionnelles bougies sur les rebords des fenêtres qui séparent la chaleur de leur appartement de la rigueur de l’hiver, donnent le sentiment que tout est heureux, léger, enfantin.
Tout autre est le paysage de Meudon, où le trio déménage en 1874. Et ici, une fois encore, atmosphère et récit sont liés : la lourdeur du climat de la fin de l’été ne fait que renforcer l’ambiance pesante qui règne dans leur vieille maison, si sombre, poussiéreuse, pleine de mystères. L’absence de Léonard, la folie d’Hulda, leurs aventures ne finissent par faire qu’un avec la nature qui les entoure. Tous finissent par perdre le contrôle de leur vie : plus rien n’est voulu, tout est subi. Plongé au cœur de souvenirs interdits vieux d’un siècle et demi, l’auteure parvient pourtant à nous faire sentir proche d’eux, de leur lassitude, de la lente misère qui s’installe dans leur quotidien. On se sent presque gêné de pénétrer dans cette intimité, le même sentiment d’inconfort qu’en observant les scènes de la vie intime qu’ont dépeint Edgar Degas ou Edouard Manet.
Je crois que l’ouvrage de Marie Sizun est une grande peinture.
La gouvernante suédoise, Marie Sizun (Arléa)
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