Projecteur sur... Le film Dans la maison
- Edgar Dubourg
- 13 nov. 2016
- 2 min de lecture

Dans la maison, un film de François Ozon de 2012, avec Fabrice Luchini, en plus d'être un thriller psychologique haletant, progressivement oppressant, interroge à la fois la littérature et, plus généralement, l'art. C'est l'histoire d'un professeur de français qui encourage l'un de ses jeunes élèves à s'immiscer dans la vie d'un autre élève, afin d'écrire sur sa famille, à leur insu. L'élève revient chaque jour avec une nouvelle page et, à la fin, la mention « À suivre ». Je me propose de laisser à la critique cinématographique le soin de commenter la réalisation. C'est un très bon film mais je veux avant tout raconter ce qu'il dit de la littérature.
Le film interroge donc plusieurs thématiques et donne des éléments de réponse, discrets, à des interrogations qui tournent autour de la littérature. La question du genre – le professeur apprend à l’élève la différence entre réalisme et parodie –, la question de la motivation – pour qui ou pour quoi un écrivain écrit-il ? –, la question du temps employé – le présent remplace progressivement le passé dans le récit du jeune garçon… On rentre au cœur du processus d’écriture, et on aborde une question passionnante : celle de la relation au réel.
« — Tu écris ce que tu vois ou tu le transformes ?
— Je mets pas tout, je mets pas la couleur du survêtement, ça m’est égal qu’il soit vert ou bleu. »
« — Tu n’as pas besoin d’être dans la maison.
— J’ai essayé, j’y arrive pas. J’ai besoin de les voir, d’être avec eux. »
Les leçons du professeur, parfois entendues, sont suggérées et mis en contexte dans ce cas assez perturbant d’un récit voyeuriste. Et pour ceux qui veulent des conseils d'écriture, le film propose des dizaines de piste :
- Faire confiance aux lecteurs
- Ne pas confondre ses désirs avec ceux des personnages
- Intercaler des obstacles entre les désirs et le moyen de les satisfaire

La leçon « en or », dit avec exubérance le professeur, interprété par un Luchini en pleine forme : le lecteur doit toujours se demander « que va-t-il se passer ? ». Même si ce n’est pas un thriller, si c’est un roman sans suspense, le lecteur doit se sentir sous pression. Les gens veulent qu’on leur raconte des histoires, résume-t-il.
Alors que le professeur prétend apprendre (« Le mot est pompeux », dit-il) la littérature, sa femme finit par être persuadée du contraire : « C’est lui qui te donne une leçon. »

De la construction des personnages à l’élaboration du récit, on suit le parcourt du jeune écrivain en oubliant, avec lui, qu’ils sont inspirés de personnes bien réelles. Les frontières se brouillent et le flou donne lieu à des moments de paniques, à des crises, des envolées. Jusqu’au moment fatidique où le problème est renversé : les personnes vont se prendre pour des personnages, réfléchir comme des personnages.
Le conflit le plus intéressant dans une histoire, nous révèle le professeur, n’est pas celui entre le héros et quelqu’un d’autre, mais entre le héros et lui-même. Une lutte au cœur du personnage. C’est aussi l’enjeu de ce film qu'il faut voir, non pas parce qu'il offre des réponses mais parce qu'il se pose les bonnes questions, et c'est passionnant.
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