Pourquoi faut-il lire... Petit pays
- Violette Perrin
- 2 nov. 2016
- 3 min de lecture

Le génocide des Tutsis est un génocide qui eut lieu du 7 avril 1994 à juillet 1994 au Rwanda, un pays d'Afrique de l'Est. Il fut commis dans le cadre d'une guerre civile opposant le gouvernement rwandais, constitué de Hutus (voir Hutu Power), au Front patriotique rwandais (FPR), accusé par les autorités d'être essentiellement « tutsi ». Le 1er octobre 1990, des Rwandais exilés et regroupés au sein du FPR décidèrent de revenir au pays à partir de l'Ouganda, et de prendre le pouvoir par les armes. En réponse, les autorités rwandaises menèrent une double stratégie : se défendre avec l'armée contre l'agression militaire du FPR et « liquider » tous les Tutsis de l'intérieur du Rwanda. Les autorités rwandaises perdirent la guerre civile au profit du FPR mais atteignirent en revanche leur objectif génocidaire contre les Tutsis.
L'ONU estime qu'environ 800 000 Rwandais, en majorité tutsis, ont perdu la vie durant ces trois mois. Ceux qui parmi les Hutus se sont montrés solidaires des Tutsis ont été tués comme traîtres à la cause hutu. D'une durée de cent jours, ce fut le génocide le plus rapide de l'histoire et celui de plus grande ampleur quant au nombre de morts par jour. Il convient de souligner qu'un génocide n'est pas qualifié comme tel en raison du nombre de morts, mais sur une analyse juridique de critères définis à l'époque par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 de l'ONU. Cette convention définit qu'un génocide est « commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ».
Avant de lire cet ouvrage, je n'avais qu'une vision scolaire et historique, assez partielle, du génocide rwandais. Certains événements historiques nous sont plus ou moins accessibles, selon s’ils sont enseignés à l'école ou non, mais, même dans ce cas, il nous faut peut-être quelque chose de plus palpable, de plus concret, de plus intime, pour que ces événements deviennent réels à nos yeux malgré cet effet de distance que provoque les années. Petit pays a été ce « quelque chose » qui m'a rendu terrible le génocide rwandais. Il ne s'agit pourtant pas d'un livre violent, ou même sanglant. C'est le récit d'un enfant qui est témoin de la lente destruction de son univers, de sa famille. Les données auparavant très scolaires – du nombre de morts à la stratégie adoptée par les criminels – deviennent alors atrocement humaines, restant pourtant empreintes, dans le cas de ce roman, d’une candide vision d’enfant, relativement protégé, qui continue ses jeux jusqu’au point de non-retour.
L’histoire se déroule au Burundi, pays voisin du Rwanda. Gabriel est un enfant de onze ans, fils d'un expatrié français qui a épousé une exilée Rwandaise, Tutsi. Ses parents se disputent, son oncle se marie. Lui joue avec ses voisins dans l'impasse dans laquelle il vit, va à l’école. Une enfance paisible et chargée d'exotisme.
Jusqu’à l’année 1994 : le coup d'état, l'attentat et le début du génocide Tutsi au Rwanda. Le quotidien de Gabriel s’effondre et ce que le narrateur ne comprend pas, on le craint, on l'anticipe et on le comprend, avec le recul.
« Je m'étais pris au jeu, moi qui détestais danser, je me trémoussais, frappais des mains n'importe comment et chantais "Héé héé héé" avec enthousiasme, quand soudain, j'ai remarqué que plus personne ne bougeait. Les visages des cousins avaient changé d'expression. Christian était figé. Tante Eusébie a brusquement éteint la radio. Plus personne ne parlait dans la voiture. Sans voir le visage de Maman, je sentais son malaise. J'ai regardé Christian :
— Qu'est ce qu'il y a ?
— Rien. Des bêtises. C'est l'animateur de la radio... Ce qu'il disait...
— Qu'est ce qu'il disait ?
— Il a dit que tous les cafards doivent périr. »
Le talent de cet récit est de parvenir au juste milieu entre une légèreté nécessaire, liée à l’âge du narrateur, et l'horreur de la guerre, qui s'insinue peu à peu au travers de petits détails, d’insultes, d’allusions, jusqu'à devenir étouffante.
« Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s'y sont pas noyés sont mazoutés à vie »
Petit pays, Gaël Faye (Grasset)
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