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Cinq questions à... Carole Zalberg

  • Edgar Dubourg
  • 3 oct. 2016
  • 3 min de lecture

La première question concerne l’écriture. C’est étrange et difficile à expliquer, mais chaque mot que vous employez semble exact, comme si vous trouviez toujours le mot idéal pour définir une sensation ou une situation. Est-ce cela, écrire, « trouver les bons mots » ? Comment écrivez-vous ? Le processus d’écriture, chez vous, se rapproche-t-il plus de l’écriture automatique – rapide, libérée, intuitive et instinctive – ou à l’inverse est-il conscient, lent, et très réfléchi ?


La notion de justesse est pour moi essentielle. Justesse du sens mais aussi de la note : le mot doit porter fidèlement la pensée, l’intuition, et doit « sonner », se fondre dans le rythme et la mélodie de la phrase. C’est la conjonction de ces deux impératifs qui produit l’évidence, la puissance sans la démonstration. Voilà mon Graal.


Je suis très loin de l’écriture automatique, même si l’idée du livre nait d’une façon souvent mystérieuse que je ne cherche pas à questionner, pas avant la fin du travail, en tout cas. Face à la page, à l’écran, je suis en revanche dans un état de conscience aigu, hyper attentif, et je forge, reformule, taille, torture jusqu’à ce que la phrase n’ait plus rien à livrer. Je peux passer trois heures sur un paragraphe. Ensuite, je reviens peu sur ce qui est posé. Je ne jette pas des pages entières, comme on l’entend souvent. Et je touche rarement à la structure, qui s’est imposée de façon quasi organique. C’est moins vrai, cela dit, pour Je dansais, mon prochain roman, à paraitre en février chez Grasset. Il avait d’emblée une forme plus morcelée qui a permis et même rendu nécessaire une sorte de redistribution.


Ce récit repose entièrement sur la relation entre deux personnages, un homme et un nourrisson, qui échappent à un massacre. Comment vous est venue l’idée de cette échappée et comment sont apparus et se sont conçus ces deux personnages dans votre imagination ?


Le livre est né d’une image vue au JT, celle d’un bébé « sauvé des eaux », qu’on se passe de mains en mains. C’était à la fois une image merveilleuse et très angoissante car on se demandait aussitôt ce qui attendait l’enfant sur notre continent.


Il y a, à l’intérieur du récit, apparaissant de manière presque aléatoire, des passages en italique qui ne concernent pas l’histoire. Pouvez-vous expliquer ce que vous avez voulu faire, ce que vous vouliez montrer ?


Pour moi ce n’est pas du tout sans rapport. L’autre déclencheur de Feu pour feu, c’est ce fait divers terrible, il y a une dizaine d’années : des adolescentes qui avaient mis le feu à des boites aux lettres et, parce que l’immeuble était insalubre, ce geste inconséquent avait viré au drame. J’ai imaginé que le nouveau-né survivant était, quinze ans plus tard, l’une de ces jeunes filles. Les passages en italique retracent les derniers moments avant la catastrophe ; ils permettent surtout de faire entendre cette autre voix, sa colère et son énergie. Et d’incarner, à travers la langue, le gouffre qui s’est creusé entre le père et la fille.


Votre roman aborde de manière frontale la question de la vie au milieu de l’horreur, la question de l’espoir et de la survie quand tout s’écroule. Vous parlez de « ça » qui « quand on le découvre, rend le monde impossible ». L’homme qui raconte cette histoire s’interroge toujours sur ce qui le fait avancer. Avez-vous trouvé la réponse ? Qu’est-ce qui pousse l’homme de cette histoire, et l’Homme en général, à se battre pour sa propre vie, malgré les horreurs qui la composent ?


L’homme de mon histoire ne se bat pas pour lui mais pour sa fille, pour assurer sa survie. Rien ne dit qu’il aurait pu déployer la même force s’il avait été seul épargné. Pourtant, à Alep ou ailleurs chaque jour dans le monde, autrefois dans les camps nazis ou soviétiques, on a pu constater encore et encore l’incroyable capacité humaine à s’accrocher à la moindre parcelle de vie. C’est une chose que je ne m’explique pas mais qui me fascine, que j’explore aussi dans mon nouveau roman – l’histoire d’une séquestration et, plus largement, de la violence faite aux femmes.


La cinquième et dernière question est toujours la même, à la fin de nos entretiens : qu’y a-t-il de vous, dans votre roman ?


De moi, il y a justement un respect profond pour la vitalité des victimes, des empêchés, des survivants, une admiration toujours renouvelée pour la réinvention de soi. C’est une source constante d’inspiration, dans l’écriture mais aussi dans la vie, une incitation à se tenir droit.



Nous tenons à remercier infiniment Carole Zalberg pour ses réponses, et nous sommes très enthousiastes à l'idée de découvrir Je dansais (Grasset, février 2017)


Feu pour Feu (Actes Sud)

 
 
 

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