Pourquoi faut-il lire... Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur
- Violette Perrin
- 28 sept. 2016
- 2 min de lecture

Lire une œuvre dite « classique », « littéraire », conseillée par l'école, les parents ou les listes de livres au programme, c'est toujours à double tranchant. En effet, le risque est important de tomber sur une œuvre qui a mal vieilli, qui soit devenue indigeste ou complètement rébarbative. Plus important, le risque est de se forcer de lire un livre qui, pour des raisons X ou Y, ne nous plaît pas, par nécessité plus que par plaisir.
Ce n'est pas le cas ici.
En lisant Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, un « classique » d'Harper Lee, je n'avais aucune idée de ce que j'allais découvrir. La quatrième de couverture me faisait croire à un roman sur la lutte pour les droits civiques des noirs aux États-Unis, mais les premières pages – les premiers chapitres – ne faisaient mention de rien qui s’approchât de ce sujet. A la place, je lus l'histoire d'une enfant, Scout, vivant avec son grand frère, Jem, et son père, Atticus Finch, aux États-Unis durant la grande dépression. Leur voisin leur fait peur, leur tante les embête, ils s'ennuient à l'école, se font un ami, Dill, pendant les vacances... En filigrane de cette histoire d'enfance, il y a l'histoire du père qui est avocat commis d'office pour défendre un noir accusé d'avoir violé une blanche. Sans vraiment comprendre ce qu'il se passe, la petite fille suit le procès, ses conséquences, l'hostilité qu'il déclenche, et dépeint un portrait touchant de l'époque de la ségrégation et de la misère qui suit la crise de 1929.
« — Qu'est ce qui me fait pleurer, Mr Raymond ?
La virilité de Dill commençait à s'affirmer.
— La vie impossible que certaines personnes font mener à d'autres – sans même y prendre garde. La vie impossible qu'imposent les Blancs aux gens de couleur sans même prendre la peine de penser qu'ils sont eux aussi des êtres humains.
— Atticus dit que tromper un homme de couleur est dix fois pire que tromper un homme blanc, marmonnai-je. Il dit que c'est la pire chose à faire. »
Si ce livre est donc entré dans le domaine des « classiques à avoir lu », ce n'est donc pas seulement par son intérêt historique ou sa dimension engagée (il fût publié en 1960 pendant la lutte pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis), mais surtout, selon moi, pour la vision que nous offre Scout de sa vie. C'est en effet un livre qui se lit avec beaucoup de plaisir, un livre qui évoque nos souvenirs d'enfance, de l'été et des rentrées scolaires, avec toute la fraîcheur et la drôlerie d'un enfant.
« — Oncle Jack ?
— Mademoiselle ?
— C'est quoi une prostituée ?
Oncle Jack se lança dans une autre longue histoire sur un ancien premier ministre qui siégeait à la Chambre des Communes et soufflait sur des plumes en essayant de les maintenir en l'air, ce qui affolait ses ministres. Je suppose qu'il essayait de répondre à ma question, mais, en tous cas, ce n'était pas clair. »
En bref, un classique à lire et à relire d'urgence.
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