Un bel extrait de... Le Messie du Darfour
- Edgar Dubourg
- 15 sept. 2016
- 2 min de lecture

En lisant ce livre on a la chair de poule. Tout y est furieux, tout y est délicat. Tout est d'une sincérité et d'une sagacité stupéfiantes. La guerre et la résistance, l'amour et la haine, la foi, le doute, le désir, la conviction, et in fine la vérité. Comme en témoigne ce passage qui pose la question de la responsabilité en temps de guerre.
« Les soixante-six soldats ne désiraient en rien faire la guerre, cela ne faisait pas partie de leurs hobbies, ils étaient issus de nobles familles qui sanctifiaient la vie, qui respectaient leurs voisins et leurs amis, qui priaient à la mosquée ou à l'église ou dans tout autre lieu consacré à Dieu, ils savaient bien que le Seigneur, n'aimant pas que l'on ôte une vie humaine, avait rendu cet acte illicite. À leurs yeux, le responsable des pêchés et des fautes commis en temps de guerre, c'est celui qui donne les ordre, pas celui qui les exécute. Ils tireraient si on leur demandait, le véritable responsable du meurtre serait le chef des opérations, ils le savaient très bien, et c'était là le plus grave, leur conscience serait touchée par la mort, par la torpeur, froide comme l'argile mêlée à l'eau croupie. Mais ils rentreraient à la maison après la bataille sans porter sur le dos le poids des innocents à qui ils auraient ôté la vie quelques heures plus tôt, les chefs d'opération à leur tour feraient porter la responsabilité de leurs crimes à leurs supérieurs planqués au quartier général, dégustant un café parfumé dans les jardins d'Ozon, au centre de Khartoum, ou une bière Bavaria sur les rives du Nil, en clamant quant à eux que le véritable criminel était celui qui avait déclenché la guerre, ce politicien élégant qui bordait ses enfants dans leur lit après leur avoir chanté une berceuse, qui offrait à sa femme acariâtre un kilo d'or pur, le politicien prudent qui déclarait derrière son micro : « C'est l'Amérique et Israël – dernièrement, s'était ajouté le gouvernement du Sud-Soudan – qui sont derrière ces guerre », après avoir lapé assez de sang pour assouvir l'ogre. »
Le Messie du Darfour, Abdelaziz Baraka Sakin (Zulma)
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