Pourquoi faut-il lire.. Les fiancés de l'hiver
- Pascale Charpenet
- 12 août 2016
- 3 min de lecture

Avant de commencer, j’aimerais vous faire une confidence. Pendant longtemps je n’ai juré que par la fantasy et les sagas fantastiques. Comme beaucoup, j’ai commencé avec Harry Potter, j’ai grandi avec lui et il a influencé toutes les lectures de mon adolescence. Pourtant un jour, le septième et dernier tome du sorcier à lunettes est arrivé et ma passion pour la littérature fantastique s’est comme éteinte en refermant la dernière page. Je me suis alors tournée vers de la littérature plus générale, classique ou contemporaine, et ai délaissé sorciers et autres animaux magiques. Jusqu’au jour où, il y a deux mois, on m’a conseillé une nouvelle saga : Les fiancés de l’hiver. D’abord sceptique, je me suis laissée tenter et ne le regrette absolument pas. Christelle Davos réussi le pari de nous transporter dans un univers parallèle inventé tout en restant ancré dans le monde réel. Nous sommes dans un futur proche où la terre a été morcelée en plusieurs parcelles, chacune constituant une arche différente. Chaque arche a ses caractéristiques propres et ses habitants des aptitudes bien particulières.
« On dit souvent des vieilles demeures qu'elles ont une âme. Sur Anima, l'arche où les objets prennent vie, les vieilles demeures ont surtout tendance à développer un épouvantable caractère.
Le bâtiment des Archives familiales, par exemple, était continuellement de mauvaise humeur. Il passait ses journées à craqueler, grincer, à fuir et à souffler pour exprimer son mécontentement. Il n'aimait pas les courants d'air qui faisaient claquer les portes mal fermées en été. Il n'aimait pas les pluies qui encrassaient sa gouttière en automne. Il n'aimait pas l'humidité qui infiltrait ses murs en hiver. Il n'aimait pas les mauvaises herbes qui revenaient envahir sa cour chaque printemps. »
Dès les premières lignes, j’ai été happé par cette écriture fine et percutante et par cette histoire délirante sans être absurde. Nous suivons les aventures d’Ophélie, une héroïne tout à fait ordinaire, maladroite, timide mais doté d’un pouvoir bien particulier : celui de lire l’histoire des objets en les touchant. Un pouvoir qui va développer bien des convoitises et va entrainer la jeune fille sur des terrains dangereux, loin de la sécurité de son arche natale… Elle est promise à Thorn, intendant sinistre de la Citacielle, une arche où tout n’est qu’illusion…
« Gaëlle s’assit face au divan et ôta son monocle. Son œil gauche, plus sombre et plus insondable qu’un puits sans fond, se promena ironiquement sur les appartements de Berenilde. Elle voulait faire profiter Ophélie du spectacle, lui montrer à quoi ressemblait ce monde une fois levé le rideau des illusions. Partout où se posait son regard, l’apparence des lieux changeait. Le tapis majestueux n’était plus qu’une carpette bon marché. L’élégant papier peint laissait la place à un mur infecté de champignons. Les vases en porcelaine devenaient de simples pots en terre cuite. Le baldaquin était mité, le paravent éventré, les fauteuils défraîchis, le service à thé ébréché. Si la trame des illusions se décousait sous le regard implacable de Gaëlle, elle se retissait sitôt qu’il se portait ailleurs.
« Le vernis sur la crasse », avait dit Archibald. Ophélie mesurait à quel point c’était vrai. »
Car c’est également la satire d’un monde qui n’est finalement pas si éloigné du notre que réalise ici Christelle Davos. Le monde d’après la « déchirure », cette colère de Dieu qui, pour punir les hommes, a disloqué la terre. La figure de ce Dieu est omniprésente dans ce roman, et l’on apprend peu à peu qui il est, quel est son rôle et ses pouvoirs.
« J’aimais Dieu, oui, mais je détestais ce bouquin qu’il ouvrait pour un oui ou pour un non. Dieu, lui, ça l’amusait énormément. Quand Dieu était content, il écrivait. Quand Dieu était n colère, il écrivait. Et un jour, où Dieu se sentait de très mauvaise humeur, il a fait une énorme bêtise.
Dieu a brisé le monde en morceaux. »
Un roman fantastique – dans les deux sens du terme ! –, fort, qui fait rêver et réfléchir. Un roman pour tout ceux qui, comme moi, se sont détournés de la fantasy et souhaitent y replonger avec délice.
Les fiancés de l'hiver, tome 1 : Le passe-miroir, Christelle Dabos (Gallimard jeunesse)
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