Un bel extrait de... Travaux
- Sophie Quinton
- 9 juin 2016
- 1 min de lecture

La voix de Navel est une voix du passé. Mais c’est une voix amie. En un temps qui clique, choque et zappe, elle nous rappelle à l’humanité et à la poésie, comme en témoigne cet extrait.
« Le sol est dur où j’ai les pieds. La terre autour de moi n’est pas une apparition, elle est une présence massive. C’est moi qui suis nuage sur la roche, avec ma peau humaine.
Disséminés, les derniers pins de la montagne s’éploient, les aiguilles brillantes, éclairées de soleil, cernées d’azur. Au ras du sol, tout est presque couleur flamme vive, près de se dissoudre avec le soleil, et le soleil m’enveloppe, et je ne sais pas ce qui est de lui et ce qui est de moi, dans mes membres ce qui est chair et ce qui est soleil.
Le sol est dur sous mes pieds, mes mains distinguent la dureté tranchante du silex, je connais ma fragilité sur l’immense bloc de silence, de pierre et de soleil, mais l’effort de la montée m’a vivifié et je sens ma vie comme un oiseau dans une main, légèrement.
Aïe ! frère, ne t’oublie pas, c’est du travail que tu es venu chercher. Tu n’es pas venu pour la montagne. C’est beau d’avoir laissé la vieille âme en bas, d’en avoir une nouvelle comme un couteau neuf. La pierre est indifférente et le ciel n’a rien d’une mamelle. On ne vit pas de lumière. Traîne-toi huit jours sans manger sur la montagne, tu seras un ver sec. »
Georges Navel, Travaux (Folio)
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