Un bel extrait de... J'ai toujours ton cœur avec moi
- Victoria Roure
- 1 mai 2016
- 2 min de lecture

La poésie de la littérature islandaise, poussée à son paroxysme, et piquée d'une curieuse excentricité, pour parler d'une mère infernale et fascinante, éblouissante comme le soleil.
« Aussi loin que je me souvienne, maman a toujours brûlé de l'intérieur. Comme Narcisse, elle était en quête de sa propre flamme. Du feu originel. Dans ma jeunesse, elle possédait les pouvoirs caractéristiques du phénix. Un oiseau millénaire qui bat des ailes et renaît de sa propre déchéance. Régulièrement, elle rejaillissait des cendres, belle et fraîche, le soleil éclairant son visage. Impossible d'endurer la vie avec de tels personnages. Terre calcinée et odeur de brûlé à chaque pas. Puis voilà que cet ersatz de phénix s'élève comme le soleil à l'aube, et nous demeurons en arrière, la face grise de cendre. On dirait que rien ne peut affecter ces gens-là. Ainsi était Siggy. Mon frère et moi étions spectateur, et toute notre vie a eu le goût des cendres.
Avant, je pensais : bientôt, elle ira mieux. Elle se lève, elle a oublié la maladie. La maladie a disparu. Et puis j'ai fini par penser : bientôt, elle va mourir. Mais elle tenait le coup. Maintenant, j'ai oublié. C'est très désagréable, de ne plus se rappeler son visage. Elle est le produit de mon esprit, et je la vois apparaître dans l'épais gruau. C'était cette douleur qui se mettait en travers de notre route. Je m'en souviens. Maman se sentait mal, puis d'un coup elle redevenait heureuse, mais alors je prenais peur. Elle était hors de ce monde. Je craignais qu'elle meure lorsqu'elle s'absentait trop longtemps, et c'était presque un soulagement – simplement parce que ce n'était que mon imagination. »
J'ai toujours ton cœur avec moi, Soffía Bjarnadóttir (traduit par Jean-Christophe Salaün, Zulma)
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