Pourquoi faut-il lire... La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert
- Violette Perrin
- 30 avr. 2016
- 4 min de lecture

Je fermai d’un coup le livre que je lisais sur le marketing tribal. Je me laissai tomber sur mon lit, les bras en croix, épuisée. Je n’en pouvais plus des communautés de marque et les fans de Harley-Davidson, et des stratégies marketing de Ferrero. Je fermai les yeux, désespérée par ces lectures universitaires, et glissai doucement dans le sommeil, quand Manon, ma colocataire, entra en furie dans ma chambre sans même frapper.
— Violette je viens de finir La vérité sur l’Affaire Harry Quebert, c’est dingue, je n’ai jamais lu un bouquin aussi vite, il faut que tu le lises.
Elle brandissait un livre à la main et avait l’air surexcitée. Je me relevai péniblement et tentai d’ouvrir mes yeux en grand pour apercevoir la première de couverture.
— C’est donc ça que tu faisais, enfermée dans ta chambre ? J’en avais entendu parler, j’aimerai bien le lire mais… je connais la fin ; je sais qui est le coupable. Du coup ça ne sert à rien.
Elle eut l’air vaguement déçue, mais se reprit de suite :
— Ce n’est pas une raison ! Je te jure, c’est dingue : je pense que c’est le premier roman policier que tu peux lire même en connaissant les détails de l’histoire et les moindres rebondissements. Finalement, ce n’est pas qu’un roman policier, le plus important ce n’est pas de savoir le coupable ! Je pourrais te raconter tous les détails de la résolution de l’enquête que tu pourrais toujours le lire et l’adorer… Ne le comprend pas de travers, le final est vraiment surprenant, mais ce qu’on veut savoir par dessus tout c’est la vérité sur cette fille, sur Harry Quebert, sur le livre, sur tous les personnages...
Je l’interrompis :
— Attends, attends ! Résume-moi l’histoire. Je ne sais pas du tout ce que ça raconte en fait.
Sans reprendre son souffle, certainement toujours sous le choc de sa lecture, elle enchaîna :
— C’est l’histoire de Harry Quebert, c’est un romancier super connu qui est aussi professeur à l’Université, et il enseigne à son élève, Marcus Goldman, le narrateur, parce que le narrateur ce n’est pas Harry, c’est son élève, il lui explique comment écrire un bon livre, et le professeur, il est accusé d’avoir tué Nola, une adolescente de quinze ans avec qui il sortait quand il était jeune.
— Laisse-moi deviner : la fille elle revient trente ans après, et elle se fait tuer ?
— Non ! Elle avait disparu trente ans auparavant, et là on retrouve le corps… Dans le jardin du professeur du narrateur ! Et du coup, le narrateur, Goldman, en fait un livre, le livre, il l’écrit en tentant d’innocenter son professeur. En fait au début de l’histoire, Goldman n’arrive plus à écrire, il avait eu beaucoup de succès sur son premier livre et, typique : angoisse de la page blanche…
— Ah oui, comme dans le bouquin que j’ai lu l’autre fois, que j’avais beaucoup aimé, tu sais, D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan…
— Arrête de m’interrompre ! Donc il décide d’écrire « un grand roman » pour essayer d’innocenter son ami et tenter de déceler la vérité sur tout ce sombre passé. Attends je te lis un extrait :
« — Harry m’a donné votre numéro, me dit-il. Il a insisté pour que je vous téléphone, il veut vous dire qu’il est innocent et qu’il n’a tué personne.
— Je sais qu’il est innocent ! Répondis-je. J’en suis persuadé. Comment va t-il ?
— Mal, comme vous pouvez l’imaginer. Les flics lui ont mis la pression. Il a reconnu avoir eu une histoire avec Nola, l’été qui a précédé sa disparition.
— J’étais au courant pour Nola. Mais pour le reste ?
Roth hésita une seconde avant de répondre :
— Il nie. Mais...
Il s’interrompit.
— Mais quoi ? Demandai-je, inquiet.
— Marcus, je ne vous cache pas que ça va être difficile. Ils ont du lourd. »
J’étais encore vaguement dubitative :
— Ok, mais du coup c’est une grande enquête qui remue le passé ? Il y en a beaucoup des livres comme ça, un peu style True Detective…
— Non pas seulement ! Au fur et à mesure que le roman avance, Harry donne des conseils d’écriture, de boxe, ils parlent du sens de la vie, de l’amour… En fait à chaque chapitre correspond un conseil d’écriture, il y en a trente-et-un, et ça monte en intensité au fur et à mesure... Écoute :
« — Donnez-moi un premier conseil. Je vais enregistrer précieusement tous vos conseils.
— Bon. Quel genre de conseils.
— Je ne sais pas... des conseils pour les écrivains. Et pour les boxeurs. Et pour les hommes. »
Les éléments embrouillés du discours de Manon commençaient à prendre forme dans mon esprit et à susciter un vif intérêt de ma part, comme piqué par la curiosité littéraire, la plus furieuse de toutes les curiosités :
— Et du coup, si j’ai bien compris, le livre qu’il écrit pour trouver la vérité, c’est le livre que nous lisons, celui que tu as dans tes mains ?
Elle était survoltée.
— Exact ! Il y a des scènes du passé racontés par différents points de vue, ce qui permet d’apporter des détails cruciaux, des lettres que les personnes s’échangent ou se sont échangés, des extraits de manuscrits… Et les remerciements en fin de livre sont ceux qu’il a promis aux personnages du roman ! Les dates sont très précises, il fait même référence à l’élection d’Obama… On le croirait presque ! C’est ce qu’il dit d’ailleurs :
« — Écris un livre sur l’affaire Harry Quebert.
— Quoi ? Non, hors de question, je ne vais pas relancer ma carrière sur le dos de Harry.
— Pourquoi sur le dos ? Tu m’as dit que tu voulais aller le défendre. Prouve son innocence et écris un livre sur tout ça. Tu imagines le succès que ça aurait ? »
Je levais les mains dans un signe d’apaisement.
— Ok, ok tu m’as convaincue. Et puis, avec ce que tu m’as raconté, je suis curieuse de voir comment ils vont trouver le coupable.
— Et tu sais ce que c’est, le dernier conseil de lecture ?
« Un bon livre, Marcus, est un livre que l’on regrette d’avoir terminé. »
La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert, Joël Dicker (De Fallois)
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