Cinq questions à... David Foenkinos
- Edgar Dubourg
- 27 avr. 2016
- 3 min de lecture

La première question concerne les personnages, nombreux, de votre roman. Ce que j’ai trouvé particulièrement innovant, c’est votre façon de nous les présenter et de les rendre vivants. La plupart du temps, dans les romans, les personnages apparaissent pour une scène précise, puis disparaissent. Dans votre roman, l'on sent qu’ils existent au-delà de leurs apparitions dans le récit. À quel point imaginez-vous la vie et la personnalité de vos personnages ? Projetez-vous une apparence physique sur ces derniers ?
Je pense souvent à mes personnages en terme de psychologie. Je ne les décris pas forcément, mais leurs gestes ou leurs actions peuvent permettre de les imaginer. J’accorde une grande importance au choix du prénom. J’ai l’impression qu’il y a une ambiance romanesque caractéristique à chaque prénom. Ils ont aussi une part d’autonomie, ils peuvent évoluer au fil du récit, certains me surprennent d’autres m’ennuient plus vite que prévu.
Après avoir abordé le fond, je voudrais aborder la forme. La façon d'agencer les phrases, de les présenter dans un livre, paraît cruciale dans votre œuvre. Bien sûr, on pense à Charlotte, dans lequel vous aviez décidé de revenir systématiquement à la ligne, comme pour permettre au lecteur de reprendre son souffle ; mais même dans vos autres romans, on retrouve ce soucis de la forme : les singulières notes de bas de page, les points de suspensions comme interaction à part entière dans les dialogues, les chapitres courts, les paragraphes séparés par un retour à la ligne... Comment décidez-vous ce que vous placez en bas de page ? Que traduisent ces points de suspensions ? Plus généralement, quel est votre rapport à la forme, c'est-à-dire à l'agencement du texte et à la ponctuation ?
Le mystère Henri Pick est mon premier roman qui repose sur une énigme. Et le récit est rythmé par une enquête. Cela a nécessité une narration peut-être plus fragmentée que pour mes autres romans. Pour le reste, l’agencement des paragraphes, les blancs, les notes en bas de page, tout cela est lié à la vision que je peux avoir d’une page. Chaque page est une sorte de cadre. Les notes en bas de page me plaisent visuellement. Les trois petits point aussi, également pour ce qu’ils représentent : écrire l’hésitation, les moments où l’on cherche ses mots.
Une question sur l'histoire, et plus spécifiquement sur sa construction et son élaboration. Le roman peut se ranger à la fois dans le genre du roman policier et de la comédie, puisqu'on se retrouve propulsé au cœur d'une enquête maîtrisée mais plutôt légère, et souvent drôle. Cette enquête semble se construire autour des personnages, qui sont bien les piliers du récit. Comment l'avez-vous écrite : en vous laissant guider par les personnages ou en planifiant, à l'avance, les maillons de l’investigation ?
Pour ce type de livre qui repose sur une enquête je devais bien sûr savoir où j’allais, et la résolution de mon énigme. L’enjeu était d’écrire l’histoire sans rien laisser paraître du dénouement. Si je savais la fin, je ne savais pas forcément toutes les étapes. Les stations du récit peuvent laisser place à l’imagination, et le hasard des actes qui se succèdent.
On retrouve, dans votre roman, de nombreuses références réalistes, et notamment des noms de personnes bien réelles, du monde de l'édition ou du journalisme littéraire par exemple. Ce procédé semble être de plus en plus utilisé dans la littérature contemporaine. Comment l'expliquez-vous ? Pourquoi ressentez-vous le besoin de puiser dans la réalité ?
Je n’ai jamais vraiment puisé dans la réalité. Cette histoire est à nouveau une pure fiction. Le destin incroyable d’un manuscrit, et ses conséquences. J’ai simplement ressenti la nécessité que cette histoire puisse se dérouler dans un cadre réaliste, donc on y a découvre des personnes réelles de l’édition ou des médias. Mais on peut lire le livre de la même façon, si on ne sait pas qui sont ces personnes. En revanche, j’ai été influencé pour écrire ce roman par l’histoire de Vivian Maier.
Pour finir, nous posons la même question à tous les écrivains que nous interviewons : qu'y a-t-il de vous, dans votre roman ?
Le seul roman où j’ai mis beaucoup de moi est « Charlotte ». Dans celui-là, on peut sûrement imaginer toute une personnalité à travers une fiction. De l’humour à la mélancolie. Mais il me semble que ce livre est une déclaration d’amour à l’écriture, la littérature, les gens qui défendent la vie des livres. J’y ai mis beaucoup de ce que la littérature m’a donné. Je parle des auteurs que j’aime, du fait qu’un roman peut changer une vie.
Nous voulions remercier chaleureusement David Foenkinos pour avoir accepté de répondre aux cinq questions.
Le Mystère Henri Pick (Gallimard)

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