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Un bel extrait de... Vingt-quatre heures de la vie d'une femme

  • Manon Berriche
  • 26 avr. 2016
  • 2 min de lecture

Comment une description de deux mains peut-elle devenir si haletante, sensuelle, caractérielle ? Stefan Zweig prouve ici une fois de plus son sens inné et unique de la phrase.


« Lorsque je fis mon entrée ce soir-là, passant devant deux tables déjà complètes pour en rejoindre une troisième, et préparant déjà quelques pièces d’or, j’entendis, étonnée, dans cette pause parfaitement muette, toute de tension, vibrante de silence, qui intervient toujours quand la boule elle-même mortellement épuisée ne vacille plus qu’entre deux numéros, un bruit tout à faire curieux juste en face de moi, un claquement, un craquement, comme d’articulations qui se brisent. Je regardais spontanément dans cette direction. Et je vis alors — vraiment, j’en fus épouvantée ! — deux mains comme je n’en avais jamais vu encore, la gauche et la droite, qui telles des bêtes acharnées et raidies se mêlaient, et, tendues, cabrées, s’unissaient en une lutte si violente que les jointures craquaient avec le bruit sec d’une noix qu’on fracture. C’étaient des mains d’une beauté très rare, d’une longueur, d’une finesse inhabituelle, et cependant tendues de muscles vigoureux — très blanches et terminées d’ongles pâles à l’arrondi délicat et nacré. Toute la soirée je les ai observées — non, contemplées, ces mains extraordinaire, uniques vraiment —, mais ce qui d’emblée me surprit et m’effaroucha de la sorte, c’était leur fougue, leur expression folle et passionnée, cette façon convulsive de lutter et de se soutenir à la fois. Ici, je le sus aussitôt, un être investi tout entier par sa passion la concentrait à la pointe de ses doigts, pour qu’elle ne le disloque pas lui-même. […]


Enfin je n’y tiens plus ; il fallait que je voie l’homme, que je voie le visage auquel ces mains magiques appartenaient, et mon regard craintif — oui, vraiment, craintif, car j’avais peur de ces mains ! — remonta lentement le long des manches jusqu’aux épaules frêles. »


Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Stefan Zweig (tradut par Olivier Le Lay, dans Romans, nouvelles et récits, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade)

 
 
 

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