Un bel extrait de... Feu pour feu

Rarement aura-t-on lu une si belle ode à la vie au beau milieu du désespoir et de la souffrance. C'est un extrait dans lequel la mélodie est telle qu'on a l'impression que chaque mot est à sa place, chacun de ces mots portant la phrase vers une sensation précise, définie et pourtant infiniment touchante.

« J'en fais le serment alors : une fois là où nous pourrons être en vie sans avoir à justifier, détailler, exhiber la moindre seconde nous ayant conduits avec tant d'autres à l'exil, plus jamais je n'emprunterai le chemin des mots qui me ramènent au drame. Nous serons neufs et tu auras le droit de croire aux promesses du monde.

Je ne désire rien d'autre, n'ai pas de rêves plus puissants que celui de ta foi sauvée. Je ne compte pas. Mon âme ne compte pas. Je sais déjà que je suis un mort mimant le souffle et le mouvement à seule fin de couver en toi le désir de vivre et d'espérer. Mon âme est un cimetière où repose le souvenir éblouissant de ta mère, où se désagrègent peu à peu les images heureuses de ton frère avant sa trahison. Je n'y cultive rien d'autre que ce passé dévasté. Aussi puis-je y enfouir tout ce qui est sombre, l'indomptable chagrin et le spectacle du crime. C'est une parcelle de terre damnée qui absorbera, je le crois, tous les poisons. De moi à toi je ne veux laisser circuler que ce qui sait encore être vivant. Et jusqu'à cette nuit je suis convaincu que pas à pas, avec du silence et de l'attention, je te fabrique du bonheur ou au moins de la paix. »

Feu pour feu, Carole Zalberg (Actes Sud)

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