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Pourquoi faut-il lire... Sa Majesté des Mouches

  • Hélène Scavone
  • 11 avr. 2016
  • 3 min de lecture

Imaginez. Vous avez entre six et treize ans. Vous et vingt autre garçons, également compris dans cette tranche d’âge, avez survécu à un crash d’avion. Vous vous retrouvez sur une île déserte. Aucun adulte n’a survécu à l’accident, vous êtes livrés à vous-même. Penseriez-vous à élire un chef derrière lequel vous rassembler ? Voudriez-vous être sauvé, ou seriez-vous plus enclin à décider de vivre à fond l’aventure sur l’île déserte paradisiaque, sans aucune entrave imposée par les adultes ?


C’est la situation dans laquelle se retrouve un groupe d’enfants britanniques. A travers la diversité de leurs personnalités et de leurs envies, c’est une société vaste et complexe qui se dessine. Pourquoi lire un énième roman d’aventure ? Je répondrais en disant qu’il s’agit plus d’un travail remarquable d’observation de l’humanité que de simples et distrayantes péripéties.


Ce livre m’est très cher et je me sens obligée de préciser que je l’ai lu étant jeune, je devais avoir le même âge que certains des garçons et de nombreux passages m’ont fait réfléchir sur des questions que je pensais réservées aux adultes. Ici l’auteur donne la parole aux enfants et quand Porcinet, personnage remarquablement intelligent demande à ses camarades :


« Qu'est-ce qui vaut mieux ? Des lois pour être sauvés, ou bien la chasse pour être détruits ? Avoir des règles et les respecter, ou chasser et tuer comme une bande de sauvages ? »


J’ai eu l’impression qu’il s’adressait directement à moi. Je faisais partie de l’aventure et ce sentiment était délicieux !


Je pensais que les grands livres étaient remplis de phrases interminables, obscures, inaccessibles. Combien je m’étais trompée et quel bonheur ! Le style de l’auteur, vif et limpide n’en rend la lecture que plus vivante. La profusion des dialogues et leur réalisme me donnait l’impression d’être au milieu des enfants, moi aussi je voulais découvrir l’île, moi aussi je voulais élire le chef ! Comme tous les autres, j’aurais probablement choisi Ralph :


« Ce jeu du vote était presque aussi amusant que celui de la conque. Les protestations de Jack furent étouffées par une clameur qui se précisa dans le choix de Ralph comme chef. Nul n’aurait su donner les raisons de son choix. C’était Porcinet qui avait fait preuve d’intelligence et Jack d’autorité. Mais une sorte d’immobilité faisait ressortir la personnalité de Ralph ; à cela s’ajoutait sa taille et son air sympathique ; enfin, de façon plus obscure mais très puissante, agissait la conque. L’être qui avait soufflé dans cette conque et qui les avait attendus sur le plateau, assis sur un tronc, le fragile objet posé sur les genoux, cet être-là était différent des autres ».


Et quelle joie quand il est élu ! J’étais persuadée que mon opinion avait eu une influence, que l’auteur m’avait prise en compte. C’est une interaction fabuleuse entre l’oeuvre et son lecteur.


Alors, que reste-t-il après avoir fini la lecture ? Le génie de l’auteur, qui à aucun moment ne tombe dans un manichéisme grossier. La place laissée au lecteur est très grande, d’ailleurs je me demande parfois si je n’ai pas vraiment pris part à cette aventure. C’est cette générosité qui m’a bouleversée : l’auteur ne justifie pas le comportement des personnages, il ne les juge pas non plus, tout est dans la nuance. Golding nous laisse le soin d’envisager les situations avec notre propre regard critique. C’est ce sentiment de liberté dans l’analyse et la compréhension qui est resté ancré en moi aujourd’hui. Le rôle que Golding nous donne est important et permet de ressentir toutes les émotions que les personnages ressentent. Nous faisons corps avec eux, avec l’oeuvre et c’est cela, selon moi, le rôle de la littérature : l’échange entre le texte et celui qui le lit.


J’ai toujours gardé en mémoire des phrases dont la simplicité, la justesse et la force résonnent encore largement dans mon esprit :


« Il faut en parler de cette peur pour voir qu’elle ne rime à rien. Moi aussi il m’arrive d’avoir peur parfois, mais je sais que c’est de la bêtise, des histoires de Croquemitaine. »


Sa Majesté des Mouches, William Golding (Gallimard)

 
 
 

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