Pourquoi faut-il lire... En attendant Bojangles
- Pascale Charpenet
- 26 mars 2016
- 2 min de lecture

« Danses avec les pieds, avec les idées, avec les mots, et dois-je aussi ajouter que l'on doit être capable de danser avec la plume ? » déclare Nietzsche dans Le Crépuscule des Idoles.
Olivier Bourdeaut a sans doute gardé cette maxime en tête pendant l’écriture de son premier roman, En attendant Bojangles. Alors qu’il valse avec les mots, il nous fait passer du slow au tango, dans un ascenseur émotionnel qui ne peut nous laisser indifférent. Alors qu’il fait swinguer ses héros au rythme de la chanson de Nina Simone, dont est inspiré son titre, il danse avec la langue, flirt avec la poésie, mais toujours dans un style sans prétention, comme une évidence.
« Maman me racontait souvent l’histoire de Mister Bojangles. Son histoire était comme sa musique : belle, dansante et mélancolique. C’était pour ça que mes parents aimaient les slows avec Monsieur Bojangles, c’était une musique pour les sentiments. »
Cette simplicité vient sans doute du fait que le récit est construit à deux voix. Tour à tour l’enfant et le mari raconte leur vie aux côtés de cette femme qui, au centre du roman, en incarne toute sa subtilité. Le père exprime la tendresse qu’il éprouve envers cette femme, mais a aussi le recul nécessaire face à sa situation, alors que le petit garçon apporte la naïveté et la candeur de l’enfance. Il décrit les situations extravagantes qu’il vit comme si elles étaient normales, comme lors de l’un des nombreux diners donnés par ses parents :
« Lors d’un dîner durant lequel un invité n’arrêtait pas de dire « je parie mon slip » à chaque fois qu’il affirmait quelque chose, nous avons vu Maman se lever, remonter sa jupe, baisser sa culotte, l’enlever et la jeter au visage du parieur, pile-poil sur le nez. La culotte avait volé, traversé la table en silence et atterri sur son nez. C’était arrivé comme ça, pendant le dîner. Après un court silence, une dame s’exclama :
— Mais elle perd la tête !
Ce à quoi ma mère lui répondit, après avoir vidé d’un trait son verre :
— Non madame, je ne perds pas la tête, dans le pire des cas je perds ma culotte ! »
Car c’est bien la folie qui est au cœur de l’histoire. Ses héros refusent de voir le monde tel qu’il est, se construisent un joli paravent fait de cocktails, de fêtes, de rires et de jeux. De leur appartement parisien à leur château en Espagne, ils voyagent joyeusement dans la vie, cette vie à trois qu’ils ne peuvent vivre qu’ensemble. Les couleurs chatoyantes du début s’assombrissent pourtant peu à peu. La folie n’est pour autant pas traitée comme une maladie ou comme quelque chose de mauvais, et c’est ce qui fait de ce roman un véritable moment de légèreté. On ne sait plus déceler le vrai du faux, le fruit de l’imagination des protagonistes de la réalité, et on se laisse embarquer dans cette fresque burlesque qui se dévore en quelques heures. Profond et léger, grave et frivole, ce roman tout en contraste est un condensé de bonne humeur, qui nous fait aimer la vie, un peu, beaucoup, à la folie !
En attendant Bojangles, Olivier Bourdeaut (Finitude)
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