Un bel extrait de... Amours
- Edgar Dubourg
- 9 févr. 2016
- 1 min de lecture

C'est parfois les phrases les plus faciles en apparence qui font le plus d'effet, car elles sont alors dotées d'une puissance que renvoie, comme un reflet, une sensation d'évidence ; Céleste découvre qu'elle est enceinte d'un homme qui l'a violé, et son repli rapide quand elle s'écrase au sol nous est raconté d'une manière limpide, claire, et superbe.
« Céleste court dans le jardin, se cache dans le labyrinthe de buis. Personne ne la trouvera là. Les arbustes sont à hauteur d'homme, ils ne la verront pas, ne l'entendront pas pleurer. Elle s'allonge à l'ombre des petites feuilles, face contre la terre sèche. Et elle pleure tout son soûl, s'abandonnant soudain au chagrin qui l'envahit. Elle touche son ventre à travers son tablier, froisse le tissu. Elle se sent pleine d'un corps étranger dont elle ne veut pas. Sa peau, ses membres à elle, toute son enveloppe, tout ce qui fait qu'elle est en vie, et à quoi elle n'avait jamais pensé, prend une dimension nouvelle, inconnue, qui la plonge tout à coup dans un désarroi total. Elle n'avait jamais eu la sensation de véritablement exister et, soudain, elle est deux fois trop. Ce corps étranger qui croît en elle, aussi petit soit-il, semble avoir le pouvoir de tout fracasser, de lui donner envie de mourir là, maintenant. »
Amours, Léonor de Récondo (Sabine Wespieser)
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