Cinq questions à... Valérie Perrin

Le thème de votre livre est l'Amour, magnifiquement décliné à travers plusieurs relations entre les personnages. Aviez-vous décidé du thème avant d’écrire ou ce thème s’est-il imposé de lui-même pendant la phase d’écriture ?

Décidé, oui et non. C'était une évidence, une nécessité.

Je l'ai déjà dit dans certaines interviews, depuis l'enfance, il n'y a que l'amour qui m'intéresse. Le thème de l'amour. Je recherche les histoires d'amour dans les romans, les pièces de théâtre, la musique mais aussi dans la vie.

La première question que je pose à un couple est : comment vous êtes-vous rencontrés ?

Je ressens un amour inconditionnel pour mes enfants. Mon frère, mes parents, mes amis et surtout, pour l'homme qui partage ma vie.

J'avais un amour inconditionnel pour mes grands-parents.

Très jeune, en classe, on nous a demandé ce que nous voulions faire plus tard. Tous les élèves ont parlé des métiers qui les faisaient rêver, moi, j'ai répondu : je veux vivre une grande histoire d'amour.

J'aime l'état amoureux. Ce qu'il peut provoquer me fascine. Pourtant, je ne suis pas souvent tombée amoureuse. J'ai besoin de temps. Mais quand j'aime, je ne cesse pas d'aimer.

Dans mon roman, j'ai tenté de décliner l'amour sous toutes ses formes, amour passion, amour impossible, amour interdit, amour haine, amour fraternel, amour adoption, amour abandon. Et puis, pour finir, l'amour qui finit par nous rattraper. C'est-à-dire, celui qu'on ne voit pas tout de suite, qui n'est pas évident, et qui le devient avec le temps. Et sans aucun doute, l'amour qui sauve.

Tous vos personnages ont des secrets les uns pour les autres : en ont-ils pour vous ? Avez-vous la sensation que vos personnages vous échappent ?

J'ai toujours écrit en écrivant. C'est à dire que j'ai besoin d'être en train d'écrire pour que mes personnages existent, et peuvent décider, malgré moi, de prendre telle ou telle direction.

Le personnage du "corbeau" a changé pendant l'écriture. Il faut lire le roman pour découvrir son identité. J'ai sciemment révélé son identité à la dernière page. Au début ce n'était pas "elle" ou "lui" qui passait les coups de téléphone aux familles "abandonnantes", et puis, un peu comme dans la vie, ce personnage a pris de plus en plus d'importance au fil des jours. À tel point qu'il est devenu ce fameux corbeau.

J'avais la fin des oubliés du dimanche. J'avais même écrit la scène finale en amont. En revanche, je me suis permis toutes les libertés pour y arriver. Le fait que je travaille avec Claude Lelouch depuis quelques années sur les scénarios m'a énormément aidé à le faire. Surtout pour la structure de l'édifice.

Bien qu'Hélène, Lucien, Justine, Jules, Pépé et Mémé soient des personnages dont je suis folle (oui je les aime à la folie), je pense que le personnage le plus fou de ce roman est Edna. Edna est née un matin, en Normandie. Je l'ai laissée faire. On pourrait presque "extraire" Edna du roman, et réécrire son propre roman. Celle d'une femme qui vole la vie d'un homme.

L’on arrive très bien à se représenter mentalement ce que vous écrivez. Avez-vous, vous-même, imaginé visuellement vos décors et personnages ?

Je suis photographe. Les personnes qui connaissent mes photos m'ont dit qu'on en retrouvait certaines en lisant mes mots. Photographier cela veut dire "écrire avec de la lumière".

On me dit souvent que le roman serait un beau film. Je crois que c'est parce que mes personnages ressemblent aux gens que l'on croisent chaque jour. Qu'ils ressemblent à nos voisins, nos enfants, nos parents, nos collègues de travail. Du coup, on les visualise très bien.

Tous mes personnages (à part Annette, Edna et les jumeaux) existent. Ou ont existé. Je suis partie du réel et j'ai tout romancé.

On peut lire un autre roman dans votre roman, celui de votre personnage principal, intitulé à la fin du roman La dame de la plage. D’où vous est venue cette idée et pourquoi vouliez-vous que votre personnage écrive ?

Hélène, la dame de la plage, est le premier personnage à être née dans mon esprit en 1999. Hélène et sa mouette. L'une ne va pas sans l'autre. Lucien est arrivé juste après elle, comme une évidence. Je voulais parler d'une femme, de la vieillesse, d'une histoire d'amour et de leur oiseau.

Et puis les années ont passé. J'ai commencé à écrire cette histoire. J'ai arrêté. J'ai repris. Je n'ai jamais abandonné l'idée d'écrire ce roman mais souvent, le quotidien me rattrapait. Le travail, mes enfants encore très jeunes.

Justine, ma narratrice est née en 2007. Je me suis dit que si je voulais raconter l'histoire d'Hélène et Lucien, il me fallait le regard d'une toute jeune femme. Une toute jeune femme drôle, cabossée et cash. Et qu'il fallait lui écrire un passé, à cette jeune fille. De là sont nés Jules, Mémé, Pépé et les autres...

J'ai repris l'écriture. Puis, entre temps, j'ai écrit deux scénarios et travaillé sur l'adaptation d'un roman. J'ai édité un livre de photos et texte. Après l'écriture du scénario "Salaud, on t'aime" je me suis "enfermée" plusieurs mois pour écrire le roman et ne plus le lâcher. Quand j'ai eu fini, je l'ai envoyé à mon éditeur qui m'a très vite contactée pour me dire qu'il retenait le manuscrit.

Enfin, je voulais que mon personnage écrive parce que j'aime les livres. À mes yeux, les livres et l'amour sont liés. Je parlais de l'amour salvateur, je pense que les livres le sont aussi. Je n'étais pas heureuse à l'école. J'ai été une très mauvaise élève, et j'en ai beaucoup souffert. Du coup, je n'ai jamais cessé d'apprendre. J'ai appris en lisant, beaucoup, passionnément.

Qu’y a-t-il de vous dans votre roman ?

Absolument tout. Je suis derrière chaque homme et chaque femme, un peu.

Un grand merci à Valérie Perrin pour avoir accepté de répondre à nos questions, ainsi que pour ses belles réponses.

Les oubliés du dimanche (Albin Michel)

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