Un bel extrait de... Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part
- Edgar Dubourg
- 9 déc. 2015
- 2 min de lecture

Anna Gavalda a créé sans vraiment en avoir conscience, sûrement, une écriture franche – et n'est-ce pas ce que nous cherchons dans un livre. Ce sont les pensées des petites gens qu'elle réussit à retranscrire et, dans cet extrait, on connaît la détresse du personnage ; on la ressent.
« Elle n'a pas pu s'endormir cette nuit-là mais elle a l'habitude. Elle ne dort presque plus. C'est parce qu'elle ne se fatigue plus assez dans la journée. C'est la théorie du médecin. Ses fils sont chez leur père et elle ne fait que pleurer.
Pleurer. Pleurer. Pleurer.
Elle se brise, elle lâche du lest, elle se laisse déborder. Elle s'en fout, elle pense que maintenant ça va bien, qu'il faudrait passer à autre chose et dégager la piste parce que l'autre à beau dire qu'elle ne se fatigue pas, il n'y comprend rien avec sa blouse proprette et ses mots compliqués. En vérité elle est épuisée. Épuisée.
[...]
Elle pleure parce que son cœur s'est remis à battre aujourd'hui alors qu'elle n'y croyait plus depuis longtemps. Elle a eu une vie plus dure que ce qu'elle aurait imaginé. Elle a surtout connu la solitude. Elle croyait que c'était trop tard maintenant pour sentir quelque chose, qu'elle avait mangé tout son pain blanc. Surtout depuis qu'ils se sont excités un jour sur une prise de sang, un examen de routine passé par hasard parce qu'elle se sentait patraque. Tous, les petits docteurs et les grands professeurs, avaient un avis sur ce truc-là mais plus grand chose à dire quand il s'était agi de l'en sortir.
Elle pleure pour tellement de raisons qu'elle n'a pas envie d'y penser. C'est toute sa vie qui lui revient dans la figure. Alors, pour se protéger un peu, elle se dit qu'elle pleure pour le plaisir de pleurer et c'est tout. »
Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part, Anna Gavalda (Le Dilettante)
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