Un bel extrait de... L'Ombre animale
- Edgar Dubourg
- 6 déc. 2015
- 1 min de lecture

Un extrait qui rend bien compte de la poésie étirée, tout en accumulations, de la langue du jeune auteur haïtien. On se laisse bercer longtemps par cette écriture aussi enveloppante que la mer décrite.
« [...] partir, appartenir à la beauté, la beauté hors de toute conjugaison, réinventer le voyage, bouteille à la mer, au bout de la nuit, ballottée vers soi-même, un ailleurs sans nom, sans trêve, s'extirper de sa léthargie, sa chrysalide, l'inaccessible enfance, Makenzy toute sa vie avait souffert secrètement de la même blessure, le même silence, tu sais, les souvenirs à marée haute, avides, impitoyables, et toutes ces choses de l'intérieur jamais prêtes à lever le camp, quoi qu'on fasse, je dis secrètement parce que chez lui, jusqu'à preuve du contraire, rien n'était à découvert, une absence terrible d'enfance, c'était cela, notre plaie à tous les deux, béante, éternelle, notre silence chargé d'agressivité, d'autres silences, dont lui et moi n'aurions jamais le secret, ni pu faire en sorte que ce soit autrement, rien à faire, à quoi ça sert de chercher à panser une blessure à laquelle il est impossible d'échapper, sans laquelle c'est une autre nuit qui commence, à chercher des solutions, jadis là-bas, dans le village de son enfance, sous d'autres formes, d'autres couleurs, certes, mais c'était le même combat au quotidien, les mêmes coups d'épée dans l'eau, les corvées, les contes autour du feu, les vaches maigres, rarement les grasses, la mort, sa profusion, c'était pas si différent que ça, c'est idiot de croire que le monde était meilleur avant [...] ».
L'Ombre animale, Makenzy Orcel (Zulma)
Comments